Une stratégie énergétique régionale pour en finir avec l’Ukraine

Il y a deux jours, la Russie a informé Bruxelles du nouveau différend qu’elle entretiendrait avec l’Ukraine, pouvant entraîner la coupure de sa livraison de pétrole et de gaz à l’Europe centrale dès le mois prochain.

Les deux pays frontaliers de l’Ukraine parmi les « Quatre de Visegrád », soit la Slovaquie et la Hongrie, sont les plus durement touchés par cette annonce hivernale, devenue chronique depuis la « révolution » dite « orange » de l’Ukraine, qui a placé Viktor Iouchtchenko au pouvoir présidentiel il y a 5 ans. Les élections ukrainiennes en janvier prochain devraient apporter un peu de lumière sur le dossier de l’énergie russe.

La Hongrie, via son ministre des Affaires étrangères Péter Balázs, a annoncé son intention d’organiser un nouveau sommet de Visegrád (République Tchèque, Slovaquie, Hongrie et Pologne) le mois prochain à Budapest, pour coordonner une stratégie commune sur les questions énergétiques. La Pologne, approvisionnée en énergie via la Biélorussie, pourrait bien être sollicitée pour y jouer un rôle clé. La Hongrie est toutefois bien préparée pour toute éventuelle interruption des livraisons de pétrole, a déclaré Lajos Oláh, secrétaire d’Etat au Ministère des transports et de l’énergie. Le pays disposerait de trois mois de réserves.

L’avenir du marché de l’énergie entre l’Europe Centrale et la Russie va surtout se jouer sous peu en Ukraine. Les élections présidentielles de janvier 2010 (premier tour le 17) vont décider des futures relations entre Kiev et Moscou. Fin 2004, le russophile Viktor Ianoukovytch remportait les présidentielles ukrainiennes, mais des soupçons de fraude,ainsi qu’une pression populaire plus ou moins spontanée ont poussé la Cour Suprême à invalider l’élection. En janvier 2005, le pro occidental Viktor Iouchtchenko devenait Président. C’est à partir de là que la vie politique ukrainienne est entrée en crise, devenue approximative et chaotique.

La démocratie ukrainienne et l’abus des prérogatives présidentielles

Le principal problème des Russes avec l’Ukraine depuis des années, c’est Iouchtchenko. Son parti présidentiel, Notre Ukraine, a toujours réalisé un score minoritaire lors des nombreuses élections législatives qui ont eu lieu depuis 2005. Certaines d’entre-elles ont même été provoquées par la dissolution de la Rada (l’assemblée législative ukrainienne a été dissoute deux fois en cinq ans !), prérogative du Président. C’est dire s’il a toujours eu du mal à se montrer légitime, que ce soit dans l’échec de sa coalition avec les autres partis pro capitalistes du pays (élections législatives de l’été 2006), ou bien en n’acceptant pas la cohabitation avec Ianoukovytch (dissolution de la Rada en avril 2007). Pendant ce temps-là, Viktor Ianoukovytch, présenté comme un épouvantail bolchevique par les occidentaux, garde une assise majoritaire à toutes les élections avec son Parti des Régions, et une popularité intouchable dans la moitié-est et au sud du pays.

Reste la femme d’affaires à la natte blonde, Ioulia Tymochenko, qui représente la seconde force politique du pays. La démocratie ultra-libérale à l’ukrainienne aiguise aussi les appétits des proches de Iouchtchenko, et c’est bien normal. Dès la prise de pouvoir de Iouchtchenko en 2005, Tymochenko est nommée Premier ministre. Mais leur union tourne court, son gouvernement étant très vite accusé de corruption massive. Après la dissolution de 2007, en s’associant au score de Notre Ukraine, elle parvient, en s’y reprenant à deux fois, à obtenir tout juste les 226 voix sur 450 dont elle a besoin pour être nommée à nouveau à la tête du gouvernement. Mais le Président, toujours aussi méfiant et incapable de rassembler, va encore faire capoter sa coalition par crainte que Tymochenko ne prépare trop bien sa propre élection à la Présidence à ses dépens. Depuis la deuxième dissolution de la Rada à l’automne 2008, l’Ukraine est donc dans une impasse parlementaire à cause de l’entêtement de son Président, jugé « fatigué » par ses partenaires occidentaux. Pourtant, Viktor Iouchtchenko paraît aujourd’hui bien plus en forme que lorsqu’il criait avoir été empoisonné par son adversaire fin 2004.

Ajoutée à la crise politique, la crise économique n’a rien arrangé depuis, sinon le contre-la-montre de Iouchtchenko. Les élections législatives anticipées n’ont jamais eu lieu, un gouvernement de coalition de fortune s’est reformé avec Tymochenko, et la Rada est censée fonctionner comme cela jusqu’en 2012. Pour l’opposant Ianoukovytch, les élections législatives et présidentielles devraient se dérouler au même moment, en janvier prochain, par soucis d’économie budgétaire. Pour l’heure, tous les sondages donnent Tymochenko et Ianoukovytch largement en tête pour s’affronter au deuxième tour des prochaines élections.

François Gaillard

Cofondateur de Hulala et ancien membre de la rédaction

2 Comments
  1. pour que la Hongrie, comme une grande partie de l’Europe, puisse en finir avec la Russie il faudrait qu’elle puisse jouir de ses propres ressources, ou tout simplement se servir ailleurs… en prêtant serment d’allégeance à un autre ancien envahisseur… la Turquie par exemple :

    https://test.courrierdeuropecentrale.fr/?p=489

    salutations réchauffées au gaz naturel de sibérie 🙂

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