János Martonyi fait la leçon aux journalistes parisiens

En visite à Paris lundi matin, le ministre hongrois des Affaires Etrangères, János Martonyi, s’est courtoisement rendu devant le Club Grande Europe, association centrée sur l’Europe élargie, avant de se rendre à l’ambassade de Hongrie dans l’après-midi, pour parler des objectifs de la présidence hongroise de l’Union Européenne. Assailli sur la question des médias hongrois, c’est finalement M. Martonyi qui a donné une fessée aux journalistes parisiens, en français dans le texte.

Toute l’Europe occidentale s’en inquiète, la Hongrie se trouve dans une conjoncture médiatique un peu spéciale actuellement, et fait l’objet d’une déferlante de critiques à son encontre depuis le début de sa présidence de l’UE. En entrant dans un jeu de question-réponses avec les journalistes des plus grandes rédactions de France, il savait bien, en arrivant, que parler uniquement d’Europe serait une tâche difficile.

Sans trop de surprise, les journalistes français furent les plus désireux d’alimenter leurs papiers avec la question des médias en Hongrie, qu’ils jugent « liberticide ». Pas de chance pour ces derniers, leur ignorance en la matière a largement joué en la faveur du ministre hongrois qui – ironie du sort – s’est exprimé dans un français politiquement plus correct que celui de leur propre chef d’Etat, pourtant lui aussi d’origine hongroise. Il a pratiqué la langue de bois européenne d’usage et il ne leur a permis à aucun moment de continuer à produire de la « Hongrie spectacle ». Des rédactions aussi prestigieuses que celles du Monde, Radio France Internationale, TV5 Europe ou encore France 24, ont dépêché ce jour-là des journalistes encore bien trop tendres sur le sujet des médias hongrois pour que le ministre puisse se laisser fusiller (photo).

Un optimisme hongrois presque déconcertant

M. Martonyi a été clair d’entrée de jeu sur le sujet : « Il faut d’abord lire le texte de lois sur les médias hongrois pour le critiquer si vivement. C’est un texte difficile à comprendre, tant au niveau des références qu’au niveau des procédures administratives. » Il s’est ensuite dit optimiste quant à l’examen actuel du texte par la Commission européenne, en insistant sur le fait qu’il n’y avait aucune procédure juridique en cours, puis a déclaré qu’il fallait « un examen objectif sur une telle réforme, et non se fier à des préjugés, des opinions ou encore des émotions politiques« .

Il a ensuite rassuré l’auditoire : « Ce n’est pas de mon devoir de critiquer la presse, au contraire, c’est à moi d’accepter ses critiques« , avant de rappeler, tout de même, que « le langage employé par la presse étrangère sur le sujet était trop fort, voire insultant pour la Hongrie« . Il en a d’ailleurs profité pour faire référence au président Barroso lui-même, qui soulignait, à Budapest vendredi dernier, que la Hongrie reste un pays démocratique, où l’Etat de Droit est respecté.

Après avoir affirmé qu’il n’y aurait en aucun cas un retrait de la loi, il a laissé entendre du bout de la moustache qu’ « il n’était pas exclu pour son gouvernement d’adopter une législation adaptée selon les propositions qui seront faites par la Commission à Bruxelles« , si propositions il y a. Cependant, reprenant bien les déclarations de son premier ministre sur ce point, il a insisté sur le fait que « s’il devait y avoir des changements à faire, certains autres Etats membres devraient en faire de même, selon le principe de non-discrimination en vigueur au sein de l’UE« .

« Il est bigrement difficile de mentir quand on ne connait point la vérité » (Péter Esterházy)

Il aurait été souhaitable que la presse française puisse consulter notre entretien avec Tamás Szigeti, un des responsables de l’organisation TASZ, dédiée aux libertés civiles en Hongrie, avant de se frotter à Martonyi. Outre leurs approximations dans les prononciations, telles que « le Fidèche » ou encore « Tilosse radio », c’est surtout en critiquant systématiquement les débuts de la présidence hongroise de l’UE par le biais de la loi sur les médias qu’ils se sont cassé les dents tout seuls.

En voici un exemple probant. Attaqué sur un rapprochement hasardeux entre « l’affaire Tilos rádio », l’expression de la jeunesse et la présidence eurosceptique tchèque de Vaclav Klaus au premier semestre 2009, il n’a pas manqué de rappeler que la majorité des Hongrois restent europhiles, surtout parmi les jeunes : « Il y a tellement de jeunes Hongrois qui ont attendu ce moment et qui se sont préparés pour la présidence hongroise, que je peux vous assurer que nous allons remplir notre mission comme il se doit. Quant à ma mission, c’est d’être là pour eux. » Et quand bien même l’épisode de l’Ice-T gate à Tilos aurait pu faire vaciller la confiance du « Zébulon » hongrois, la question était tellement mal posée que sa réponse fut trop facile. « D’abord, il faut apprendre à faire la part des choses entre les médias hongrois et l’Europe« , a t-il répondu avant de définitivement renvoyer le journaliste à l’école, en lui apprenant que dans le cadre de cette enquête,  Tilos tombe sous le coup de la législation antérieure à la réforme.

La bonne question, qu’il aurait fallu poser au ministre, était plutôt celle de savoir pourquoi est-ce que le nouveau Conseil National des Médias (NMHH) souhaite sanctionner Tilos maintenant et créer ainsi le scandale, alors que l’ancien Conseil aurait pu le faire maintes fois auparavant, sur la base de la dite législation antérieure.

La question que n’attendait pas Martonyi

Pour venir en aide à ce « confrère », comme cela se fait dans ces cas-là, Hulala s’est donc permis de rebondir en demandant à M. Martonyi s’il ne trouvait pas cela dommage, que ce soit en réalité le NMHH qui ait finalement pu permettre de heurter les âmes sensibles des mineurs, puisque ce n’est qu’après la traduction des paroles du fameux Ice-T, que la grande majorité des jeunes ont pu comprendre le message quelque peu dérapant du rappeur. Dommage que János Martonyi n’ait pas souhaité répondre à cela franchement. Son attitude a néanmoins été très éloquente : il a d’abord fait semblant de ne pas comprendre, puis, la moustache presque tombante, il a finalement réussi à s’exprimer : « je suis ministre des Affaires Etrangères, je n’ai donc pas de commentaires à faire là-dessus« . Une attitude qui se passe de commentaires, justement.

Propos recueillis par François Gaillard – HU lala, le 10 janvier 2011

Voir l’entretien entre Caroline De Camaret et János Martonyi sur France24.com, qui a le mérite d’aborder l’essentiel des questions touchant aux objectifs de la présidence hongroise de l’UE.

1 Comment
  1. Il y a peu de temps encore, quelques journalistes français étaient une référence mondiale.

    Dorénavant, je lis avec de plus en plus de méfiance la presse française, ayant déjà noté ses « fantasmes » dans certains sujets.

    C’est pourtant la rigueur qui avait fait la grandeur de la France dans le monde. Ce nouveau miroir face au ministre hongrois est une inquiétude de plus, pour ne pas dire davantage…

    Quant à l’affaire du rappeur, il est à la fois dommage que le Conseil précédent n’ait rien fait, et maladroit d’avoir attiré l’attention sur la traduction des paroles.

    En outre, on en est encore à dire que la France est la 5ème puissance économique du monde mais, avec d’autres critères, elle serait plutôt à la 8 ème ou 9 ème place… et même, avec certains calculs en performance par habitant, à la 33 ème place.

    Encore une fois, la France ferait mieux de s’inquiéter de la poutre dans son oeil, que de la paille dans celle d’autres.

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