Article publié le 26 avril 2010, au lendemain de la victoire de Viktor Orban aux élections législatives hongroises.
La carrière d’un homme politique débute souvent par un acte fondateur, un symbole fort sur lequel il va pouvoir bâtir sa « légende ». Pour Viktor Orbán, c’est le 16 juin 1989 qu’il a lieu. (Photo). Ce jour-là les jeunes cadres de la FIDESz, qui est alors une association de jeunesse anticommuniste est invitée à participer à la commémoration du « réenterrement » des « martyrs » de l’insurrection de Budapest de 1956, contre l’avis d’une partie des organisateurs qui entendent ménager l’Union soviétique. La veille, les jeunes de la FIDESz ont manifesté devant l’ambassade soviétique aux cris de « Ruszkik haza! » (Les Russes, dehors !), le slogan des manifestants de 1956. Ils se font qualifier de « radicaux léninistes » et de « bolcheviks ». Le jeune Orbán profite de la cérémonie pour prendre la parole sur la Place des Héros pour revendiquer le départ des troupes soviétiques et la tenue d’élections libres.
Au moment de cette déclaration, attaquer l’URSS revient à affronter un lion sans dents et sans griffes. En effet, Gorbatchev a déjà annoncé son intention de se retirer des pays satellites d’Europe centrale et de facto, l’armée rouge a déjà commencé à démobiliser et à rapatrier ses divisions basées en Hongrie. Qu’importe, ce geste restera dans les livres d’Histoire et Orbán assied avec, son statut de résistant anti-communiste. Pour une partie de la jeunesse hongroise, il représente alors une sorte de Che Guevara local.
Pourtant, la famille Orbán ne compte pas parmi les perdants de ce régime. Ses deux parents, partis de nulle part, ont obtenu des diplômes universitaires et ont pu envoyer leur fils Viktor dans les meilleures écoles. Lui-même a suivi des études de droit à l’Université Loránd Eötvös, y obtenant son diplôme universitaire en 1987. En 1989, il a décroché une bourse de la Fondation Soros et d’un an à l’Université d’Oxford.
La transformation du personnage
Le parti socialiste ouvrier hongrois MSzMP se change en parti socialiste hongrois MSzP et ses cadres se convertissent au social-libéralisme. Tout l’échiquier politique hongrois se recentre et glisse vers la droite. Naturellement, la FIDESz occupe le centre-droit. La stratégie n’est pas payante. Orbán, député dès 1990, perd les élections législatives de 1994. De manière opportuniste, il change d’orientation stratégique, vers la droite. D’un parti libéral centriste, la FIDESz devient un parti conservateur. Orbán agite alors les sentiments nationalistes, en appelle à une histoire hongroise mythifiée, se pose en défenseur des Hongrois à l’extérieur des frontières et entretient un double discours vis-à-vis des minorités juives et roms. En cela, il est l’un des principaux instigateurs de la « droitisation » qui s’est opérée en Hongrie.
Dès lors, pour les jeunes de la FIDESz, l‘avenir s’annonce prospère. Ils supplantent le grand parti de droite, le Magyar Demokrata Forum (MDF) et s’impose comme la principale force de droite. En 1998, ils prennent le pouvoir et Orbán devient à 35 ans le plus jeune premier ministre d’Europe. Défait aux élections suivantes de 2002 et 2006, il dénonce des fraudes électorales et refuse de reconnaitre sa défaite. Durant les huit ans dans l’opposition, son discours se fait de plus en plus radical, il agite la menace d’une révolution populaire. Les aveux involontaires de Ferenc Gyurcsány sur les mensonges socialistes pour remporter les élections de 2006 sont un cadeau inespéré pour la droite et jettent dans ses bras des masses d’électeurs qui se sentent floués. Cette popularité de la FIDESz va l’accompagner pendant tout le mandat socialiste. Elle la concrétise les dimanches 11 et 25 avril, en remportant les législatives avec une majorité écrasante au parlement. Ainsi, Viktor Orbán devient l’ « homme fort » de la Hongrie. Histoire à suivre…
Fiche d’identité
Nom : Viktor Orbán
Naissance : 31 mai 1963, proche de Székesfehérvár, dans une famille calviniste protestante
Situation familiale : Marié avec Anikó Lévai avec qui il a 5 enfants
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