40%. C’est la proportion de la population en Hongrie qui vivrait avec moins de 64000 forint par mois ! Soit environ 220 euros. Ce chiffre spectaculaire, c’est Zsuzsa Ferge qui le donne. Économiste formée tardivement à la sociologie puis à la « politique sociale », elle revient ici sur un parcours qui l’a emmené en France, fait rencontrer Raymond Aron, Robert Castel, Pierre Bourdieu ou Jean-Claude Passeron.
Vous avez visité plusieurs fois la France, vous avez rencontré Pierre Bourdieu. Est-ce que vous pouvez nous raconter dans quelles circonstances ça s’est passé ?
Quand je suis entrée à l’université, la sociologie ici n’existait pas. Donc j’ai fait de l’économie et après je suis passée à l’Office central de statistiques où, quand je suis tombée en disgrâce en 1956, j’ai dû rejoindre les statistiques des budgets familiaux. Je crois que ç’a été ma chance, parce que c’est là que j’ai commencé à voir un peu comment les gens vivent, et les différences qui n’étaient pas perçues comme telles. C’est là que j’ai commencé à m’occuper de la société, des différents groupes, des différents niveaux de vie, des différentes difficultés. C’est à partir de là que je suis devenue statisticienne sociale.
J’ai eu encore la chance d’avoir eu la possibilité de faire des énormes enquêtes sur 20 000 familles pour voir comment la société se stratifiait en Hongrie. Cette recherche s’est déroulée au milieu des années 1960 ; c’est là que j’ai eu la première fois le permis d’aller en France. C’était une visite familiale parce que mon frère a quitté le pays en 1956 et vivait en France ; donc on m’a accordé le droit d’aller le visiter. C’est à ce moment là que j’ai essayé de me doter d’outils pour décrire la société. Je suis allée de sociologue en sociologue pour voir si mes questions pouvaient trouver des réponses. C’était une sorte de pèlerinage. Pierre Bourdieu n’était alors pas connu, il était au tout début de sa carrière. J’ai parcontre rencontré Raymond Aron, ce qui était très intéressant pour moi, parce que Aron était un conservateur très connu et très respecté. Bourdieu était toujours un peu révolutionnaire, dès les premiers temps, mais c’est Aron qui l’a aidé à fonder ce que l’on a appelé le Centre de sociologie européenne. C’est là que je lui ai rendu visite. Je me rappelle des jeunes gens qui étaient là, comme Monique de Saint-Martin… je crois que Robert Castel n’était pas encore là mais Bourdieu dirigeait déjà l’unité. C’est à ce moment là qu’il a fini son livre sur l’Algérie. Disons que sa sociologie était beaucoup plus développée que la mienne, parce que moi je n’avais même pas étudié la sociologie formellement. On a très vite découvert que son approche était très proche de ce que je voulais, donc j’ai pu utiliser pas mal de catégories, d’arguments logiques, etc.
« [Avec Bourdieu], nous nous étions rencontrés par hasard, mais je l’ai beaucoup traduit, réalisé des volumes, des sélections d’essais… »
Plus tard, quand je suis passée aux questions d’éducation, ça a coïncidé avec le moment où Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron ont commencé à étudier l’école. C’était à la mode, parce qu’à la fin des années 1960, les sociétés ont découvert que les inégalités sociales n’étaient pas forcément une bonne chose, et que l’école pouvait être un instrument pour les réduire et améliorer les chances des enfants. C’était une sorte de vague partout dans le monde, y compris en Hongrie. J’ai commencé à faire des études sur l’école avec un groupe. Là aussi, pas mal de catégories et de tendances ressemblaient de très près à ce qu’eux avaient écrit, notamment dans deux livres sur l’école. Une amitié est restée entre nous pendant plusieurs dizaines d’années, mais pas d’une manière soutenue. [Avec Bourdieu], nous nous étions rencontrés par hasard, mais je l’ai beaucoup traduit, réalisé des volumes, des sélections d’essais… J’étais une sorte d’intermédiaire, pas seulement pour Bourdieu, mais pour la politique sociale toute entière. Parce que je parle anglais et français, j’ai eu la bonne chance de lire et de rencontrer pas mal de personnes, donc j’ai joué ce rôle d’intermédiaire.
Dans la Hongrie des années 1960, comment ce type d’études était perçu à l’université ou par les autorités politiques ?
Les autorités politiques n’étaient pas trop frileuses, parce que la publication de l’Office central de statistiques puis plus tard mon livre sur la stratification sociale – qui a du paraître en 1970 -, ne pouvaient utiliser ni les catégories marxistes, ni les catégories officielles. Le comité central du parti avait convoqué une sorte de réunion avec des hommes politiques et des professionnels pour dire à l’Office central de statistiques que les catégories que nous avions utilisées pour classer les gens, selon les caractéristiques de leur travail, n’étaient pas justes, parce que la société était officiellement divisée entre classe ouvrière et paysans. Les intellectuels y figuraient aussi mais comme une sorte de groupe marginal. Toute autre approche n’était pas acceptée par le parti. C’est pour ça que j’ai du quitter l’Office central de statistiques à la fin des années 1960, parce que je me suis trop rapprochée de la sociologie.
« Je crois que je n’ai jamais rien écrit que je dois réfuter aujourd’hui, ce qui me donne une certaine satisfaction. »
Mais finalement, cette classification est évidemment restée. Il n’a pas fallu une semaine pour que l’Office invite des personnes intéressées par les groupes sociaux pour discuter des catégories à utiliser afin de travailler sur le dernier recensement. La catégorisation qu’on utilisait il y a cinquante ans est toujours valable, même si je crois qu’on a raison de toujours suivre ce qui se passe dans la société.
Les pauvres étudiants doivent toujours lire ce que j’ai écrit. Je crois que je n’ai jamais rien écrit que je dois réfuter aujourd’hui, ce qui me donne une certaine satisfaction.
Vous avez du former des générations de sociologues ?
Peut-être moins des sociologues que ceux qui se sont joints à l’effort de faire de la politique sociale une discipline plus ou moins autonome. Finalement, elle est un mélange d’économie, de droit et de sociologie, d’une pléthore de savoirs issus de pratiques, de politiques sociales par les États, lesquelles doivent être distillées… Comment dirais-je ; on doit travailler sur des théories qui doivent diriger les interventions gouvernementales. Pendant le kadarisme (du nom de János Kádár, ndr), on disait qu’on n’avait pas besoin de politique sociale, car officiellement toute politique était sociale.
Mais sous le kadarisme, il n’y avait pas non plus de pauvre, officiellement…
Pendant le kadarisme, le problème sur lequel je travaillais, c’était les inégalités ainsi que le traitement de la pauvreté, laquelle n’existait pas officiellement selon le gouvernement. C’était un sujet critique. Ce que j’essaye de répéter, c’est qu’il y avait une idéologie, selon laquelle la société était – entre guillemets – « égalitaire », que la pauvreté n’existait pas… et on voulait démontrer que c’était faux – et c’était faux ! Mais vu de maintenant, les inégalités et la pauvreté d’alors ne sont pas comparables avec ce qui existe aujourd’hui. Ce essentiellement pour deux raisons. La première, c’est que faux ou pas faux, il y avait le plein emploi : tout le monde devait travailler, y compris les Roms (traduits en « gitans » par Zsuzsa Ferge, ndr), y compris ceux qui ne voulaient pas travailler, car le non-travail était pénalisé. Très peu n’avait pas de travail (1 ou 2% dont une partie étaient des malades). Mais le plein emploi était assez artificiel, car ça veut dire que l’économie et les entreprises employaient plus de personnes dont elles avaient besoin, par exemple trois personnes pour balayer la cour, au lieu d’une. Mais les gens avaient néanmoins un salaire stable, pouvaient avoir un peu de contrôle sur leur futur, former des plans sur l’avenir des enfants. L’autre élément, c’était les prix pratiqués, qui ne correspondaient pas à ceux du marché, mais les besoins essentiels avaient des prix bas et les besoins de luxe avaient des prix anormalement élevés.
Ce qui faisait que, pratiquement, il y avait certes une pauvreté très reconnaissable mais, en même temps, il était très difficile de trouver un enfant qui avait faim, car le pain ne coûtait rien. Si on avait un salaire bas et stable, l’essentiel pouvait être acheté. Et il n’y avait pas de problème pour avoir l’électricité, etc. car les prix étaient très très bas. Avec le système de sécurité sociale, peu à peu tout est devenu universel à partir de 1974 (comme les soins médicaux, les allocations familiales) ce, que l’on travaille dans le secteur, privé ou coopératif. Ces derniers avaient certes moins de prestige que le secteur d’État, mais tout le monde avait accès à ces biens et services.
Aujourd’hui la pauvreté est reconnue. On a même des stratégies fantastiques, merveilleuses, sur la réduction de la pauvreté. L’Union européenne joue un rôle central pour forcer ou persuader les pays de faire des stratégies pour l’intégration sociale des Roms et des pauvres, contre les inégalités régionales, etc. Les stratégies sont très très belles. La première de celles-là était avant le changement de gouvernement de 2010 : c’était le premier ministre Ferenc Gyurcsány, qui m’avait demandé d’élaborer un plan contre la pauvreté. Je lui ai répondu que ça n’était pas possible mais une stratégie contre la pauvreté des enfants était possible. C’est ce qui nous a été confié.
Après ma carrière universitaire, quand je suis allée à la retraite, j’ai formé un groupe à l’Académie qui devait élaborer, contrôler cette stratégie contre la pauvreté des enfants, acceptée par le Parlement en 2007. Et on avait aussi la possibilité d’élaborer une stratégie nationale selon laquelle si on voulait vraiment le changement, cela devait se faire par la base. Le groupe que j’ai dirigé, c’était des gens qui voulaient participer à mettre en pratique cette stratégie à l’échelle d’une micro-région – une quinzaine de villages, une pauvreté énorme, 40% de Roms -…
Dans quelle région ?
Nógrád. Là, ce travail a été arrêté par le gouvernement il y a un an. Mais entre temps, l’Union européenne a financé cette stratégie d’intégration des pauvres et des Roms ; d’autres travaillent maintenant là-dessus. Notre travail à l’Académie a été de joindre le plan national, le plan local, les niveaux d’intervention intermédiaires…
40% de la population doit survivre avec 44 000 HUF/mois. Donc 40% de la population hongroise vit dans la pauvreté. Quel portrait faites-vous de la situation sociale en Hongrie ?
Il y a des recherches qui montrent que ce que l’on appelle l’élite – la classe politique, les cadres de l’économie – était beaucoup plus égoïste. L’égoïsme et l’individualisme sont des caractéristiques plus fortes en Hongrie que dans les autres pays en transition. Il y a en partie des raisons écologiques pour lesquelles la transition a été ici plus dure pour des très larges groupes, que dans les pays voisins. La privatisation des biens d’État a été faite d’une manière qui n’a pas du tout tenu compte des intérêts des gens. On a perdu en quatre ans plus d’un million d’emplois et un peu plus de la moitié de ceux qui ont perdu leur travail ont été mis en préretraite, et puis on a oublié qu’ils existaient – environ 600 000 personnes. On a privatisé d’une manière à vendre non seulement les entreprises, mais aussi les marchés. C’est-à-dire que les industries qui faisaient un peu marcher l’agriculture de la Hongrie – l’industrie du sucre, de l’huile, etc. – ont disparu complètement.
« Les inégalités n’ont jamais été vraiment très bien contenues, car on n’a jamais pris vraiment au sérieux les problèmes de chômage et de pauvreté, ceci combiné à une politique en faveur du libre marché, où tout est permis. »
Donc, la Hongrie n’a jamais pris de mesures contre le chômage et pour alléger la pauvreté, mais évidemment, dans ce cas, il fallait faire quelque chose. Il y a eu une première loi en faveur des chômeurs et on a aussi fait une loi en 1993 sur l’assistance sociale. Mais le cœur n’y était pas. Les aides originellement généreuses pour les chômeurs ont progressivement diminué. Le niveau d’assistance sociale qui a toujours été très conséquent a également été graduellement diminué. Les inégalités n’ont jamais été vraiment très bien contenues, car on n’a jamais pris vraiment au sérieux les problèmes de chômage et de pauvreté, ceci combiné à une politique en faveur du libre marché, où tout est permis. Ce qui fait que les inégalités n’ont ni de plafond, ni de palier et deviennent de plus en plus fortes.
Ce processus s’est déroulé ces vingt dernières années, avec peu d’effort pour contenir ces transformations. Les seuls efforts qui n’ont pas été entièrement superflus, étaient ceux du ministre de l’éducation entre 2002 et 2010, qui a tout fait pour arrêter la ségrégation des Roms et pour élever le niveau des écoles où se concentraient beaucoup de Roms et de pauvres. Les résultats révélés par l’analyse PISA montrent que les écoles concernées ont progressé plus que les autres. C’est le seul effort qui a essayé de conjurer ces tendances à la paupérisation.
Le Nord-est de la Hongrie parmi les régions les plus pauvres de l’UE
Avant que le gouvernement actuel s’installe, il y avait à peu près trois millions de gens vivant sous le seuil de ce que l’Office central de statistiques appelle du minimum social. Ce minimum social est légèrement plus élevé que ce que l’on appelle le seuil de pauvreté, défini par l’Union européenne. Mais ça reste une somme très très basse qui ne permet pas de vivre dignement.
Les trois millions de personnes que vous évoquez, c’était en quelle année ?
2007 était probablement la meilleure année, parce que l’économie allait mieux, les revenus ont un peu augmenté, et la pauvreté a un peu diminué. Je parle de trois millions en 2006-2007. Après, les choses se sont détériorées de plusieurs manières mais un changement radical s’est opéré – ou s’opère – à partir de 2010. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas de signes avant-coureurs avant le gouvernement Fidesz, et je ne dis pas non plus que ces tendances sont uniquement caractéristiques de la Hongrie.
Ce qu’on appelle la « conditionnalité des aides », c’est-à-dire donner des aides sociales aux chômeurs en échange d’un travail d’intérêt général – bénéfices contre services -, c’est apparu avant 2010. Toutes ces mesures, y compris celles portant sur les conditions d’accès à l’assistance sociale, sur le niveau et les règles d’attribution des aides pour les chômeurs, sont devenues très très stricts. Par exemple, le nombre de mois pendant lesquels on a le droit à des indemnités chômage, c’était neuf mois, tandis que les aides s’élevaient à 70% du salaire. Désormais – et c’est unique en Europe, probablement dans le monde -, ces neuf mois sont devenus trois mois ; et le niveau de l’aide correspond désormais à 60% du salaire. Après ça, vous accédez à l’assistance sociale qui correspond à un tiers du salaire minimum – 22 000 forint ; pour ceux qui travaillent pour les travaux publics, c’est moins de 50 000 forint.
Combien de personnes sont employées par ce programme de travaux publics ?
Si vous écoutez le gouvernement, il dit que c’est 300 000 personnes. Si vous me demandez ou consultez les statistiques, ceux qui sont dans les travaux publics en moyenne pendant un jour, c’est environ 60-70 000. Ça veut dire qu’on a commencé à éliminer d’une façon absolument inhumaine les gens en incapacité de travailler. On a réexaminé leur maladie… La presse se fait l’écho de nombreux cas de personnes réévaluées saines et capables de travailler, qui sont mortes ou ont eu des complications de santé dans la foulée.
Beaucoup d’entre nous croient que, ni les enfants, ni les adultes, ni les malades, ne sont importants. Pour le gouvernement, c’est important dans les discours, les stratégies, mais en réalité beaucoup de mesures sont inhumaines, difficiles pour les enfants. L’Etat est devenu très punitif. Les sanctions sont très rapides et très lourdes. On a oublié d’indexer l’allocation familiale sur l’inflation : la dernière augmentation remonte à 2008, alors que l’inflation cumulée fin 2012 est à peu près à 20% et rien n’a bougé. Ni les minima sociaux, ni les aides sociales, ni l’allocation familiale.
En même temps, le gouvernement déclare vouloir aider la classe moyenne, mais les avantages sont données aux 3-5% des plus riches. C’est très pro-riches et anti-pauvres ce qu’on fait.
Vous l’expliquez par une nécessité économique ou une volonté politique ? Vous dites par exemple que le niveau de pauvreté dans le pays ne peut pas s’expliquer par le niveau de ses ressources internes…
Très peu de pays n’ont pas essayé de soulager la situation des pauvres qui ont le plus perdu depuis la crise. La Hongrie n’a absolument rien fait, sauf diminuer l’assistance sociale et imposer des conditions allant à l’encontre de la dignité humaine. Par exemple les règles d’accès à l’assistance sociale sont élaborées en détail au niveau des municipalités. On a des conditions incroyables… l’administration a le droit de visiter votre logement, de regarder si l’habit des enfants est propre, etc.
Est-ce que les inégalités ont augmenté depuis 2008 ? L’indice de Gini, utilisé par la presse notamment, n’a pas beaucoup augmenté depuis les années 1990…
On a très peu de données. L’Office central de statistiques présente les résultats avec deux-trois années de retard. L’institut d’enquête qui assurait le suivi n’avait pas l’argent ces derniers temps pour accéder aux données. Les premiers résultats de la dernière enquête de Tárki ont depuis été présentés : ce que l’on voit, c’est que la pauvreté s’est accentuée et sur le plan des inégalités, les hauts revenus se sont enrichis et les bas revenus ont décroché. Il en résulte également que la pauvreté des enfants a beaucoup augmenté, bien au-delà que la pauvreté en général. Donc, maintenant il n’est pas très difficile de trouver un enfant qui a faim : c’est devenu monnaie courante. On n’a pas augmenté par exemple les aides pour la cantine… Ce qui est déjà sûr, c’est que la pauvreté des enfants a beaucoup augmenté, en partie à cause de la baisse de la valeur relative de l’allocation familiale, en partie à cause de la diminutions des aides sociales, et en partie parce que les conditions sont de plus en plus sévères : de plus en plus de personnes perdent entièrement le droit au travail public ou à l’aide sociale.
Quel est le rapport de la société hongroise aux inégalités ?
Sauf une minorité de plus en plus consciente de l’impasse actuelle, l’augmentation et l’aggravation de la pauvreté, lesquelles concernent pour moitié les gitans, font que la tendance actuelle à la criminalisation des pauvres suscite un large consensus. Au lieu de calmer cette haine qui se déchaîne notamment à l’extrême-droite ou chez des plus modérés, le gouvernement les attise par certaines dispositions. Par exemple il y a un an, le gouvernement a adopté une loi sanctionnant le sans-abrisme avec une amende très élevée – si les SDF ne peuvent pas payer, ils doivent être incarcérés. Il a fallu six à sept mois pour que la Cour constitutionnelle déclare cette disposition anticonstitutionnelle et prône sa révocation. Le gouvernement n’a pas réagi en disant qu’il acceptait cette sentence, mais a accusé la Cour constitutionnelle d’être responsable de la prolifération des sans-abri. C’est honteux.
Vous avez vu cette vidéo du journaliste qui se déguisait en SDF pour voir combien de temps la police allait mettre pour l’interpeller ? Connaissez-vous le collectif AVM – A város mindenkié, « la ville est à tous » ?
Je crois que c’est très important ce que vous dites. AVM ce sont des jeunes très bien formés, très radicaux, très intelligents, qui montent des actions, qui interpellent, organisent des manifestations…
… de la désobéissance civile…
…oui, qui ont écrit par exemple une lettre au gouvernement sur cette histoire de SDF. C’est bien s’il y a un réseau contre la pauvreté qui commence à prendre un peu de force – AVM est devenu le plus important…
Pour finir avec l’actualité plus chaude, que pensez-vous des négociations en cours entre la Hongrie et le FMI, avec des possibles politiques d’austérité ?
Il y a une question à laquelle je n’ai pas répondue concernant la situation économique. La politique économique que le gouvernement qualifie de non-orthodoxe montre que le ministre ignore tout de ce que signifie une économie globale à l’échelle de la Hongrie. On a le pourcentage d’investissement historiquement le plus bas, qui ne donne aucun signe de reprise de l’économie. Du côté politique, le problème est que le gouvernement joue un double jeu : l’un s’adresse à la population hongroise, avec un discours sur l’indépendance et la liberté de la Hongrie, qui ne cède pas à l’Europe, avec ces affiches contre le FMI, où ils ont inventé de toute pièce ses soit-disant contreparties sur les retraites… La relation entre la Hongrie et l’Union européenne est devenue très tendue car le gouvernement a accusé l’Europe à tord et à travers d’être dans une posture coloniale. Le gouvernement fait comme s’il voulait être exclu de l’UE, tout en soutenant le contraire. Je ne sais pas ce qui se cache derrière ces débats, mais je ne crois pas que les sentiments contre la Hongrie n’existent pas dans l’union. On ne peut pas dire que nous avons le droit d’avoir à l’aide européenne, tout en refusant les contraintes.
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