L’état d’urgence sanitaire entré en vigueur le 11 mars, qui a provoqué une controverse internationale, sera levé le 20 juin. Estimant avoir fait l’objet d’un procès en sorcellerie, les représentants hongrois demandent aujourd’hui des comptes à leurs accusateurs. Ces derniers « ont du mal à manger leur chapeau » aujourd’hui, estime l’ambassadeur hongrois en France.
C’est peu dire que l’état d’urgence décrété en Hongrie a suscité la controverse. L’opposition domestique en Hongrie a rejeté en bloc le texte de loi qui conférait des pouvoirs exceptionnels à l’exécutif. Si elle reconnaissait bien volontiers la nécessité d’adopter des mesures exceptionnelles pour répondre à une crise exceptionnelle, celle du coronavirus, comme le faisaient d’autres pays en Europe, son caractère illimité dans la durée l’empêchait toutefois de l’approuver.
Les critiques ont aussi plu depuis l’étranger, certains médias allant jusqu’à qualifier la Hongrie de « dictature », ayant en à l’esprit les atteintes passées à l’État de droit du gouvernement Fidesz, qui valent à la Hongrie des procédures de sanctions de la part de l’Union européenne. Mais en habile stratège, Viktor Orbán va rendre ses « plein pouvoirs » dès le 20 juin, prenant facilement le contrepied de ses détracteurs, en Hongrie et à l’étranger. Aujourd’hui, le premier ministre Viktor Orbán et sa ministre de la Justice Judit Varga, contre-attaquent et réclament des « excuses » pour ce qu’ils estiment avoir été une campagne de calomnies basée sur des accusations infondées.
Nous reproduisons ci-après une note de l’Ambassadeur de Hongrie en France, Georges Károlyi :
« Le mardi 26 mai, le gouvernement hongrois a présenté au Parlement un projet de loi visant à faire cesser à la date du 20 juin l’état d’urgence sanitaire entré en vigueur le 11 mars précédent. Cette initiative est prise en application de l’article 51(5) de la Constitution, qui dispose qu’un état d’exception « doit être révoqué si les conditions qui ont conduit à sa proclamation ont cessé d’exister ». Le gouvernement hongrois considère effectivement que l’évolution actuelle de la pandémie dans le pays ne justifie plus le maintien d’une situation d’exception. La gestion de la crise se poursuit, mais avec des moyens constitutionnels ordinaires.
Et pourtant, que n’a-t-on pas entendu ! L’état d’urgence hongrois n’était qu’un prétexte « machiavellien » pour le premier ministre de s’arroger des « pleins pouvoirs illimités » (sic), qu’il « bafouait tout ce qui pouvait être bafoué », que « la démocratie était définitivement morte » en Hongrie et que « la première dictature d’Europe venait de naître ». Certains sont même allés jusqu’à dire que Budapest était devenue la « capitale européenne de la honte ». Je passe les propos encore plus violents. D’autres, plus modérés, ont convenu que des mesures d’exception – que pratiquement tous les pays avaient prises d’une manière ou d’une autre – étaient justifiées dans le cas présent, mais que ce qui était totalement inadmissible dans le cas de la Hongrie, c’était leur caractère « illimité dans le temps » qui, à lui seul, suffisait à les condamner d’un point de vue démocratique.
« Il est effectivement pénible de reconnaître que l’état d’exception le plus « illimité » dans sa durée est le premier d’Europe à prendre fin ».
Tous ces procureurs de procès d’intention en sont maintenant pour leurs frais. Pris à contrepied, ils ont du mal à manger leur chapeau. Il est effectivement pénible de reconnaître que l’état d’exception le plus « illimité » dans sa durée est le premier d’Europe à prendre fin, pendant que la plupart des autres États engagent chez eux des débats homériques sur les modalités de sa reconduction. A ceux qui prétendent que c’est grâce à leurs protestations véhémentes que le gouvernement hongrois a été contraint de « reculer », je propose de méditer la fable de La Fontaine La Mouche du Coche. A ceux qui, pour faire bonne figure, évacuent le sujet en reprenant les éternelles « inquiétudes » sur l’État de droit en Hongrie, je suggère de ne pas confondre droit et politique, de surmonter leurs frustrations et de ne pas tomber victime du syndrome des éternels insatisfaits. A ceux enfin qui, plus honnêtement, reconnaissent s’être trompés et avoir prêté à tort au gouvernement hongrois des intentions qu’il n’avait pas, je suggère de le reconnaître publiquement avec la même ardeur que celle qu’ils ont déployée pour les condamner.
Ils le doivent à ceux qui les lisent et qui les écoutent, et qu’ils ont – que ce soit par malveillance ou de bonne foi – induits en erreur sur la Hongrie.
Ils le doivent également au gouvernement démocratiquement élu de la Hongrie, qui a été injustement flétri, ainsi qu’à la large majorité des Hongrois qui – indépendamment de leur affiliation partisane – ont manifesté leur soutien aux restrictions qui leur ont été imposées au cours des derniers mois et qui s’y sont conformés avec une discipline exemplaire. Ils sont également les artisans de la mesure qui a pu être prise aujourd’hui.
Et enfin, c’est aussi une question d’honnêteté intellectuelle. Je sais que cet article n’est pas courant dans l’offre actuelle du discours public, mais il n’est pas interdit de rêver. Peut-être cette valeur européenne finira-t-elle par prendre le dessus sur toutes celles qui sont codifiées dans les traités, mais qui lui resteront toujours subordonnées. »