La forte émigration provoque une pénurie de main-d’oeuvre qui pénalise l’économie et la société hongroise. Une récente étude de l’Institut national de démographie indique que le désir d’émigration reste fort et que celle-ci devrait se poursuivre et pourrait même s’amplifier dans les années à venir.
Article de Ferenc László publié le 20 mai 2017 dans Magyar Nemzet. Traduit du hongrois par Paul Maddens. |
Depuis des années, l’émigration cause de sérieux problèmes à l’économie hongroise en même temps qu’elle déchire les familles. Selon une étude de grande ampleur publiée ces jours-ci, ce processus n’a pas pris fin. Une part significative des jeunes et des personnes d’âge moyen aspire à quitter la Hongrie et beaucoup sont en train d’organiser leur installation à l’étranger. Si leurs projets deviennent réalité, c’est ainsi 370 000 personnes supplémentaires qui pourraient quitter le pays. A titre de comparaison, c’est le nombre d’habitants cumulé des deux plus grandes villes après Budapest, Debrecen et Szeged.
« 370 000 personnes supplémentaires pourraient quitter le pays », soit autant que Debrecen et Szeged cumulées.
Le nombre de ceux qui en rêve est encore plus effrayant : dans la tranche d’âge 18-40 ans, 680 000 personnes, donc une sur trois, a déjà réfléchi à poursuivre sa vie dans un autre pays. Ceci ressort d’une analyse publiée en ce moment par un maître de recherches de l’Institut de Recherches Démographiques [1]Népességtudományi Kutatóintézet (NKI) du Bureau Central de Statistiques.. Irén Gödri a évalué les données d’une étude représentative réalisée sur près de 1500 personnes, elle a examiné qui veut partir de Hongrie provisoirement ou définitivement et pour quelles raisons. L’important est qu’elle a étudié les motivations non pas de ceux qui vivent à l’étranger, mais de ceux qui sont encore en Hongrie et qui aimeraient partir.
Un demi-million de Hongrois installés à l’étranger
Beaucoup vivent déjà à l’étranger : selon les données que le Magyar Nemzet a sollicité auprès des bureaux de statistiques anglais et allemands, ces deux pays ont enregistré 170 000 Hongrois il y a trois ans et ce nombre ne fait qu’augmenter depuis. Dans l’évaluation la plus sérieuse réalisée il y a quatre ans, l’Institut de Démographie situait à 335 000 le nombre de Hongrois installés à l’étranger, soit 7,4 % de la classe d’âge 18-49 ans. Cette même année, le ministère de l’Economie a livré à l’opinion publique une donnée encore plus préoccupante : György Matolcsy a estimé ce nombre à un demi-million. Or son ministère dispose des informations les plus fiables : il connaît le montant des revenus transférés en Hongrie : ils ont dépassé 1000 milliards de forints en 2015. Selon l’information la plus récente fournie par Eurostat, en janvier 2016, 410 000 vivaient à l’étranger et dans cette donnée ne figurent pas certains états tels que l’Espagne ou la France.
Des projets de départ plus ou moins sérieux
Rien ne montre mieux à quel point cette tendance est forte que cette recherche d’Irén Gödri, selon laquelle une personne sur cinq dans la génération des 18-40 ans affirme qu’il ne lui viendrait pas à l’esprit d’aller s’installer à l’étranger. Parmi ceux qui n’ont pas encore « joué » avec l’idée de partir, un tiers n’en exclut toutefois pas la possibilité. Parmi ceux qui réfléchissent à l’émigration, 35% ont des intentions sérieuses et 19% ont dit qu’ils avaient déjà pris leur décision.
En outre, 48% des 370 000 personnes du groupe prenant au sérieux leurs projets veulent de toute manière partir et 52% se sont déjà présentées à un emploi. 86% se sont informés des conditions de séjour et 87% sur les conditions d’emploi. 54% veulent s’installer à l’étranger dans l’année et ne comptent pas faire traîner en longueur la réalisation de cet objectif. Beaucoup sont tellement décidés qu’ils engloutissent déjà de l’argent dans leur projet : ils se forment et apprennent les langues étrangères. L’étude note qu’on peut estimer à 19% la proportion de ceux qui, très probablement, réaliseront leur projet d’émigration.
Bien sûr, il n’est pas question pour ceux qui planifient leur vie à l’étranger de quitter définitivement leur patrie : 27% s’installeraient à l’étranger pour quelques semaines, éventuellement quelques mois et 28% pour une durée de 3 à 5 ans. Par contre, 6% des personnes interrogées ont affirmé qu’ils ne reviendraient jamais vivre en Hongrie.
« Il n’est pas question pour ceux qui planifient leur vie à l’étranger de quitter définitivement leur patrie ».
Ce peut être un nouveau coup pour l’économie hongroise qui se débat déjà avec un manque de main-d’œuvre : 33% des Hongrois possédant un diplôme universitaire recherché sur le marché, 34% des ouvriers qualifiés, 55 % des personnes parlant une langue étrangère à un haut niveau envisagent de s’installer à l’étranger, même de façon temporaire. C’est un sérieux problème car les multinationales présentes dans le pays, ainsi que les petites et moyennes entreprises hongroises se plaignent de ne pas trouver de main d’œuvre formée et expérimentée et, de ce fait, sont contraintes de revoir à la baisse leur développement. Par exemple, la personne qui projette de rénover sa maison doit attendre souvent des mois que l’installateur de gaz ou le peintre ait le temps de venir.
L’Association Nationale des Industriels et Employeurs a travaillé l’an dernier sur une proposition qui, sur la base de l’exemple polonais, a suggéré l’accueil de 250 000 travailleurs étrangers. Selon l’association nationale des patrons, l’un des principaux problèmes est que l’émigration économique s’accélère, les jeunes diplômés partant à l’étranger. Un petit scandale avait été causé par le ministre de l’Economie Mihály Varga – membre d’un gouvernement faisant campagne contre les migrants et s’opposant à l’immigration – quand il avait déclaré soutenir l’idée des industriels de faire venir des travailleurs immigrés « culturellement intégrables ». Ceux qui comptent sur la reconversion d’ouvriers non-qualifiés pour compenser la main d’œuvre manquante doivent maintenant prendre en considération la nouvelle étude de l’Institut de Démographie qui montre que ces travailleurs non-qualifiés sont parmi les plus enclins à projeter de vivre à l’étranger : 32,6%…et cette proportion est de 42% chez les chômeurs.
Où aspirent à aller les hongrois âgés de 18 à 40 ans ? (Source : Bureau Central des Statistiques, KSH).
Notes
↑1 | Népességtudományi Kutatóintézet (NKI) du Bureau Central de Statistiques. |
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