Quand on vous parle de Ján Kozák, la plupart pensent certainement à l’actuel sélectionneur de l’équipe nationale slovaque. Pourtant, ce dernier possède aussi un fils et, à l’image de l’imagination d’un Vladimir Weiss, il lui a aussi donné le même prénom. Et toujours à l’image de la famille Weiss, Ján Kozák jr. a également foulé les terrains de football. Une carrière qui l’a emmené de sa Slovaquie natale à la Grèce, l’Ouzbékistan ou encore, plus récemment, en Argentine, pour une reconversion en « footgolfeur » lors de la dernière Coupe du Monde de Footgolf se déroulant à Buenos Aires.
Article publié le 18 janvier 2016 dans Footballski |
L’enfant de Košice
Deuxième plus grande ville slovaque avec près de 250 000 habitants et considérée comme l’une des plus belles du pays, Košice fut durant de nombreux siècles l’un des bastions de la Hongrie, que ça soit au Moyen Âge avec la dynastie Árpád, durant la renaissance avec, notamment, la Révolution hongroise de 1848 contre la domination des Habsbourg ou encore, quelques années plus tard, comme l’un des centres culturels les plus influents de l’Empire austro-hongrois. Une ville qui aura notamment vu naître Sándor Márai, l’un des plus grands écrivains hongrois qui racontera notamment sa jeunesse dans la ville dans son roman Les Confessions d’un bourgeois.
Dans cette ville qui compte de nombreux édifices religieux comme l’église de la Sainte Trinité ou celle de Saint-Antoine de Padoue, elle aura eu l’occasion de célébrer un nouveau Saint il y a quelques années qui répondait au nom de Ján Kozák. Véritable légende de la ville et du MFK Košice, l’actuel sélectionneur de l’équipe nationale aura même eu l’amabilité de faire perdurer sa lignée par un fils, sobrement nommé Ján Kozák junior. Un fils qui aura lui aussi l’occasion de fouler la pelouse de Košice avec, en guise de premier entraîneur, son paternel.
Lors de sa première saison en 1997/1998, le fils de intègre l’une des équipes surprises du championnat puisque le MFK Košice remporte alors le premier titre de champion de son histoire, grâce notamment à son duo Jozef Kožlej – Róbert Semeník. Une époque parfaite pour Kozák lui permettant d’intégrer le monde professionnel à tout juste 17 ans. Si lors de ces 3 années au club, entre 1997 et 2000, Kozák ne se retrouva qu’une dizaine de fois sur les terrains slovaques, il y inscrit cependant la première ligne de sa carrière avec ce titre inattendu. Un Graal obtenu notamment grâce à la future légende du football slovaque, le buteur Szilárd Németh.
Après une pige en République tchèque avec le Slavia Prague et un retour dans sa ville natale, la carrière du métronome slovaque commencera réellement en 2003 avec l’Artmedia Petržalka après un transfert avorté au Bohemians 1905. Lui qui se disait être émerveillé par Dennis Bergkamp lors de sa jeunesse, puis par Zinedine Zidane plus tard, aura alors l’occasion de marquer le championnat slovaque de son empreinte. Une empreinte faite de passes lumineuses et de centres exquis.
Des buildings de Petržalka au sommet du championnat
Si vous ne connaissez pas la capitale slovaque, Petržalka est le plus grand arrondissement de la ville. Bien loin du centre historique, Petržalka est surtout connue pour son ballet incessant de Panelák, des HLM rappelant l’ère communiste qui abritent encore une large partie de la population de la capitale. Dans ce dédale d’immeubles, un club centenaire fondé en juin 1898 connaîtra la gloire au milieu des années 2000, emmené par le grand Vladimir Weiss sur le banc de touche et par Ivan Kmotrik en guise de propriétaire.
En compagnie de joueurs comme Ján Ďurica, Luboš Kamenár, Marek Krejci, Filip Šebo, Marián Čišovský, Karim Guédé, Juraj Halenár ou encore Radek Dosoudil et Pavol Farkaš, Petržalka se frira un chemin vers les sommets du championnat slovaque avec une première coupe nationale obtenue en 2004 qui aboutira, par la suite, à un titre de champion en 2005 (auquel s’ajoute une Supercoupe la même année) puis un autre en 2008, où l’équipe réalise le doublé en enlevant également la coupe nationale. Des titres historiques obtenus grâce à la participation d’un maître artilleur, Ján Kozák jr.
Lui, le fils de, devient alors la pièce maîtresse de l’une des équipes les plus séduisantes de l’époque au pays. Alors en pleine ascension vers le titre en 2005, le joueur donna une interview au magazine Sme, où il expliqua notamment son amour pour le football, son admiration pour Dennis Bergkamp et Zinedine Zidane ainsi que des forces de l’équipe à cette époque. Quand on lui posait cette question qui revenait dans les bouches de la plupart des observateurs, à savoir « Quel est le secret de vos passes et de vos centres lumineux ? », l’intéressé recentra rapidement la question vers l’intérêt collectif, plus que personnel, en répondant tout simplement que « dans le football, l’aisance technique ne suffit pas. Il faut constamment l’améliorer. Envoyer des passes de cinquante ou soixante mètres devant ne suffit pas. Il faut aussi prendre en compte les qualités de ses coéquipiers. Filip Sebo est très rapide devant, si je dois l’alimenter, il faut la plupart du temps le faire sur des balles en profondeur. De même pour Mato Mikulič qui est un TGV. Tandis que des joueurs comme Blazej Vaščák, Brano Fodrek et Tono Šoltis, le jeu aux pieds est nécessaire. Fodrek a par exemple une forte couverture de balle qui lui permet de résister et continuer ses actions. » Tel type de jeu, pour tel type de joueur, voilà comment JK junior parvenait à bonifier ses partenaires.
Loin des strass et homme terre-à-terre, Ján Kozák a surtout une vision du football commune à son père. Lui qui a baigné dans ce monde depuis l’enfance, fut encouragé à jouer « un football [fait] de plaisir[s] et pour [se] divertir. »
Un plaisir que l’on retrouvera dans cette saison historique de 2005 du club de l’arrondissement de Bratislava. En 34 matchs, le joueur délivrera pas moins de 28 passes décisives, en plus de marquer 7 buts. Encensé par ses pairs, que ça soit par son capitaine en club, Balázs Borbély, qui disait de lui que c’était « un excellent footballeur et une très bonne personne. Une personne possédant des jambes dorées et une précision de passe que nous sommes bien heureux d’avoir dans l’équipe », ou par son ancien entraîneur, Vladimir Weiss, qui le considérait comme « un joueur ayant un ordinateur dans la tête et des jambes prévues pour distiller des passes comme personne en Slovaquie. L’équipe s’adapte à son jeu, ses coéquipiers le respectent et sont prêts à tout pour lui. […] Sans lui, je ne peux pas imager notre équipe (L’Artmedia Petržalka, ndlr). » Cette estime pour le joueur qu’était Ján Kozák Jr. se retrouve également dans les adversaires, que ça soit Karol Pecze, alors entraîneur de Žilina, ou Miroslav Barčík, milieu de terrain de Žilina à l’époque, les compliments fusent une nouvelle fois. Des compliments qui tournent toujours sur la même thématique, la vision du jeu, les passes lumineuses et la capacité de Kozák à créer le danger grâce à celles-ci.
Une année 2005 pleine, un titre de champion historique avec son club, le joueur fut logiquement présent dans le XI de l’année en Slovaquie avec notamment son coéquipier de l’époque et meilleur buteur du championnat cette année là, Filip Šebo, et, enfin, pour couronner le tout, un nouvel admirateur. Son nom ? Bryan Robson.
Good morning England, Good bye Petržalka
« Jan est habile, capable de créer et marquer des buts. Espérons qu’il apportera ses qualités au club. » C’est avec ces mots que Robson, alors entraîneur de West Bromwich Albion, présentait sa nouvelle recrue slovaque arrivée en prêt de Petržalka. Un retour en terre anglaise pour le fils de l’actuel entraîneur de la sélection slovaque, lui qui avait eu l’occasion de réaliser un match à Liverpool en 1998, alors qu’il commençait tout juste sa carrière, face au Liverpool de Roy Evans et de Gerard Houllier lors d’un match de coupe de l’UEFA. Un match qui s’était soldé par une cinglante défaite 5-0 pour les Slovaques.
À vrai dire, ce retour en Angleterre ne se terminera pas vraiment mieux que ce match face aux Reds. Avant-dernier de Premier League, éliminé par Reading en FA Cup lors du troisième tour ainsi qu’en quatrième tour de League Cup par Manchester United, Kozák n’aura jamais vraiment eu l’occasion de se montrer avec seulement six petits matchs. Pourtant, Robson soutiendra le joueur en déclarant qu’ »il avait bien joué depuis qu’il était ici« , allant jusqu’à vouloir finaliser son prêt en transfert définitif. Cependant, avec la relégation du club et un début de saison timide en Championship, Bryan Robson se retrouva démis de ses fonctions mi-septembre tandis que Kozák ne portera plus jamais le maillot des Baggies. Des terres anglaises qu’il n’aura jamais su apprivoiser, la faute à un manque cruel de physique et une vitesse de pointe proche du néant tandis que quelques admirateurs anglais auront toujours en tête le souvenir d’un joueur à la technique douce et aux passes flamboyantes.
Si son retour en Slovaquie se fit dans les meilleurs augures à titre personnel avec un nouveau titre de champion et une coupe en 2008 ainsi que de magnifiques prestations sous le maillot slovaque en étant meilleur passeur de la phase de qualification de l’Euro 2008 devant Pirlo (avec 7 passes décisives), l’Artmedia, quant à lui, connaîtra sa chute dans le même temps.
Cette superbe saison de 2008 fut aussi la pire. Tandis que Vladimir Weiss quitta son poste pour le Saturn, Ivan Kmotrik, le propriétaire du club, quitta dans le même temps l’Artmedia pour un autre club de la capitale, le plus grand même, le Slovan Bratislava. En même temps qu’il plomba les finances du club avec ce départ, l’homme d’affaires slovaque prit également le soin d’emmener avec lui les meilleurs éléments du club en deux ans. Les habitants des HLM de Petržalka voient alors 5 joueurs partir au Slovan dès 2008 dont Radek Dossoudil, Juraj Halenar ou encore Branislav Obzera. Un an plus, c’est au tour de 5 autres joueurs de venir aliment les rangs du Slovan, dont Kornel Salata, Karim Guédé, mais aussi l’homme qui nous intéresse aujourd’hui, Ján Kozák jr.
D’une fin de saison douloureuse au footgolf
Une dernière bonne saison en Slovaquie avec un titre de champion en prime et puis plus rien. Voilà comment s’est malheureusement terminée la carrière d’un joueur oublié de beaucoup de mémoires. Car, après cette seule saison au Slovan, il rejoindra la Roumanie et le Politehnica Timişoara rejoindre ses coéquipiers Miloš Brezinský et Marián pour une expérience qui tournera vite au vinaigre. Malgré une belle deuxième place obtenue en championnat, le club se retrouvera finalement relégué, la faute à un Marian Iancu, président du club, magouilleur et au refus de la fédération d’accorder une licence au motif du non-paiement d’une dette de 1,2 millions d’euros à l’Etat et au club portugais de Benfica. Après la Roumanie, un très court passage en Grèce avec Larissa puis en Ouzbékistan avec Bunyodkor, Ján Kozák jr. a fait parler de lui ces derniers mois pour son retour dans le milieu du football avec un nouveau costume… celui de joueur de FootGolf.
Loin des terrains, Ján Kozák continue de prendre du plaisir balle aux pieds sur les greens avec en point d’orgue les Championnats du Monde 2016 de FootGolf ayant eu lieu à Buenos Aires il y a quelques semaines.
Une nouvelle aventure qui a commencé par l’intermédiaire de Juraj Gubáni et Tomáš Dittinger qui lui avaient alors demandé s’il n’était pas intéressé de promouvoir ce sport en revêtant la tunique de la sélection slovaque. Comme il l’explique au site Aktualne, « le principe du FootGolf est identique à celui du golf traditionnel, on se retrouve sur un green, les trous ont un périmètre de 50-53 cm et une profondeur de 30-40cm. L’objectif est de mettre une balle d’une circonférence de 68-70 cm dans les trous avec le moins de coups de pied possible. Il faut donc être capable de savoir jouer de longs ballons, être bon de l’extérieur comme de l’intérieur du pied, du gauche comme du droit. » Le sport parfait pour un manieur de ballons comme l’a toujours été Ján Kozák jr.
Et pour cause. Champion de Slovaquie en 2015, l’ancien joueur de l’Artmedia vient tout juste d’accrocher une belle troisième place à la dernière Coupe du Monde de FootGolf en Argentine. Une troisième place synonyme pour lui de meilleur joueur européen dans la compétition et d’un nouveau trophée pour cet esthète du football. Un football qui semble l’habiter et ce qu’importe le terrain.