Au cours d’une conférence de presse de deux heures devant les médias hongrois et internationaux, Viktor Orbán a fait le bilan de l’année écoulée en restant droit dans ses bottes sur la guerre en Ukraine, la situation économique et sociale ou sur son avenir.
C’est devenu un rituel. Depuis 2019, quelques jours avant Noël, Viktor Orbán invite les médias hongrois et internationaux à une conférence de presse pour tirer le bilan de l’année écoulée et évoquer les perspectives de celle qui s’ouvre. Un dialogue sans filtre qui – pour une fois – permet d’aborder tous les sujets sans le filet de la propagande.
Nick Thorpe, le correspondant anglais de la BBC à Budapest, qui a bien connu Viktor Orbán il y a de nombreuses années lorsqu’il était dans l’opposition, n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler au premier ministre « qu’il ne devait pas avoir peur des médias indépendants et internationaux » et que, « s’il accordait plus d’interviews aux médias, les journalistes n’auraient pas à attendre devant les églises, les couloirs des hôpitaux, des passages frontaliers ou des cafés pour tenter de lui parler… ».
Sous les grandes orgues du monastère des Carmélites
En ce mercredi 21 décembre, M. Orbán – cravate orange à la couleur du Fidesz – en a souri. Accompagné de Gergely Gulyás, ministre chargé du cabinet du premier ministre et de Zoltán Kovács secrétaire d’État chargé de la communication et des relations internationales qui, en maître de cérémonie, a distribué la parole des journalistes selon une liste établie à l’avance, Viktor Orbán a même eu l’air gourmand de se plier pendant deux heures à cet exercice sous les grandes orgues de la salle des fêtes du monastère des Carmélites. Derrière lui, sur un fond bleu qui permet aux caméras et aux appareils photos de faire de belles images, le protocole avait accroché les drapeaux hongrois mais oublié d’y mêler la bannière européenne…
L’Europe, justement. Face à la presse internationale, l’occasion était trop belle pour le premier ministre hongrois de tacler une nouvelle fois Bruxelles empêtré dans le « Qatargate », cette affaire de corruption qui secoue depuis la mi-décembre les institutions européennes. « C’est une mauvaise nouvelle », a-t-il avancé avec ironie. « Il est dommage que le parlement européen n’arrive pas à mettre en place des contrôles efficaces pour éviter ce genre de situation » a-t-il poursuivit le sourire en coin. Tout juste a-t-il évoqué de quelques mots la bataille qu’il mène depuis des mois contre la commission européenne qui refuse de verser les subventions (près de 13 milliards d’euros) à la Hongrie si ses dirigeants ne mettent pas en place un plan anti-corruption crédible dans leur propre pays… « Si la question est de savoir si nous allons rester hongrois et nous battre, alors oui. Nous sommes des Hongrois et nous nous battons », a-t-il expliqué brièvement en affirmant qu’il n’y aura pas de « Huxit ».
En tout cas pour Viktor Orbán la bataille ne se situe pas sur le terrain de l’Ukraine et encore moins à Kiev où il n’a prévu « aucune visite à son agenda ». « Nous avons rempli notre devoir humanitaire et chrétien d’aider le peuple ukrainien », s’est-il justifié. « La Hongrie a réussi à rester en dehors de la guerre alors que la majeure de l’Europe y est déjà impliquée, fournissant des armes, formant des soldats et assurant une formation opérationnelle et de commandement. L’Ukraine ne peut pas être indépendante et souveraine si son intégrité territoriale est violée », a-t-il toutefois reconnu avant d’avancer la seule solution : « Un cessez-le-feu immédiat et la paix ».
Le charme de ces grands rassemblements politico-médiatiques est de pouvoir passer d’un sujet à l’autre. Ainsi, à la question de savoir quel était l’état de l’enseignement public hongrois avec la forte mobilisation contre les licenciements des enseignants, le premier ministre a dit « accepter leur opinion » (sans préciser ce qu’il entendait par là), mais « qu’il n’était pas le ministre de l’éducation ». Il est vrai qu’il est seulement le premier ministre qui a décidé de supprimer le ministère de l’Education et de le confier au ministère de l’Intérieur… M. Orbán avoue que sur ces questions, il sollicite souvent sa mère qui a pris sa retraite d’éducatrice spécialisée.
Mais, selon lui, la santé physique et mentale de la jeunesse hongroise sont actuellement les deux problèmes les plus importants. Pour y remédier, il explique que « le gouvernement a opté pour l’éducation physique et l’éducation religieuse à l’école ».
L’équipe de France ? Viktor Orbán dégage en touche
Il aurait pu y ajouter le football. Un journaliste lui a demandé ce qu’il pensait des déclarations de Szilárd Németh, membre du Fidesz, se félicitant sur son compte Facebook qu’une « nation blanche et chrétienne qui représente les valeurs européennes soit devenue championne du monde. Allez, Argentine ! » ? Plutôt que répondre, Viktor Orbán préfère dégager en touche en expliquant que l’équipe nationale hongroise a recruté un joueur de couleur, Loïc Nego… sans préciser que l’actuel joueur du club de Fehérvár, d’origine guadeloupéenne, est né à Paris… Même indifférence à propos de l’écharpe de « la grande Hongrie » qu’il portait lors d’un match amical de la Hongrie contre la Grèce le 20 novembre. « Cela n’avait rien d’une provocation », s’est-il justifié. « Nous sommes un pays vieux de 1100 ans, nous sommes entourés de symboles historiques et je fais toujours une nette distinction entre la Grande Hongrie et la Hongrie historique. Si quelqu’un se rend au Parlement hongrois, personne ne s’oppose aux symboles qui s’y trouvent. Et si je voulais faire de la provocation, j’aurais de bien meilleures idées… ».
Quant à son avenir, M. Orbán, soixante ans l’année prochaine, ne veut pas en parler. A la question de savoir combien de temps il prévoit de poursuivre sa carrière politique, M. Orbán répond « qu’il vaut mieux être au gouvernement que dans l’opposition ». Avant d’ajouter : « Bien sûr, vous ne pouvez pas savoir combien de temps vous pouvez durer, mais ce n’est pas comme le football, Dieu décidera ».