Le journaliste Daniel Psenny a posé son stylo et ressorti son appareil photo pour montrer les différents visages de Budapest, sa ville d’adoption. Il exposera ses photographies à Paris fin février.
« A Budapest, j’ai parfois l’impression de revivre les années soixante-dix en France avec cette forme d’insouciance, de plaisir et de solidarité », nous dit Daniel Psenny. Installé depuis quelques années dans la capitale hongroise, l’ancien journaliste du « Monde », aujourd’hui contributeur du Courrier d’Europe centrale, montre à Paris la Budapest qu’il aime. Ce sera lors d’une exposition intitulée « Szia Budapest! » et qui se déroule du 23 février au 1er mars à la galerie Médicis (6e arrondissement).
« Szia Budapest », galerie Médicis, 5 rue de Médicis 75006 Paris. Du 23 février au 1er mars. Ouvert de 12h à 19h.
Le Courrier d’Europe centrale : Quelle est votre relation avec la Hongrie ?
Daniel Psenny : Voilà trois ans que j’ai quitté Paris pour m’installer à Budapest où j’ai suivi ma femme qui est Hongroise. Après quarante ans de journalisme en France, dont vingt et un ans passés au journal « Le Monde », j’ai décidé de poser mon stylo et de profiter de la vie. En quittant l’écriture au quotidien, j’ai redécouvert le plaisir de photographier comme je le faisais il y a quarante ans avant de passer à l’écriture. Après toutes ces années pendant lesquelles je n’avais pas touché un appareil photo, j’ai eu l’impression d’avoir un œil tout neuf, curieux et, surtout, en rien blasé. Il faut dire que Budapest possède une atmosphère particulière et c’est un formidable terrain de jeu pour un photographe. Que ce soit d’un point de vue architectural, de l’Histoire ou du mode de vie, je suis tous les jours surpris. C’est la singularité de cette ville avec ses bains, ses jardins, ses larges avenues, ses bars, ses monuments et son passé que l’on devine ancré jusque dans les murs. A Budapest, j’ai parfois l’impression de revivre les années soixante-dix en France avec cette forme d’insouciance, de plaisir et de solidarité.
Que pourra découvrir le visiteur lors de votre exposition ?
Parmi les centaines de photos que j’ai pris prises depuis trois ans, j’en ai sélectionné trente qui, bien sûr, ne représentent pas une vision exhaustive de Budapest, mais sont le reflet de mon regard sur cette ville. On part de la gare de Nyugati en direction du lac Balaton en passant par le métro et les piscines. Sans me comparer à Cartier Bresson, j’essaie de saisir « l’instant décisif ». Avant d’appuyer, on voit le cadre, les personnages, la lumière et, parfois, tout s’aligne en un instant. Et là, on éprouve un vrai plaisir. D’autant plus qu’avec le numérique, on peut voir le résultat immédiatement.
Y a-t-il un cliché en particulier dont vous souhaitez nous raconter comment et dans quelles conditions il a été pris ?
J’aime beaucoup cette photo de la statue de Lénine emballée sous une bâche de plastique et reléguée dans un coin de Mémento Park. Ce jour-là, la lumière grise était magnifique et ce Lénine abandonné mais toujours « vivant » m’est apparu comme une métaphore du passé et du présent qui secoue la Hongrie et les ex-pays de l’Est depuis la chute du communisme. Ma préférée reste toutefois cet homme lisant sereinement son journal dans les thermes Paskal appuyé sur un muret de céramique en forme de canotier. Il représente pour moi la sérénité de Budapest.
Par cette expo, cherchez-vous à montrer à Paris une facette de la Hongrie moins sombre – voire plus réjouissante – que ce que dépeint généralement la presse internationale ?
Les faits sont têtus comme disait Lénine ! En photo, on ne peut pas tricher avec la réalité même si malheureusement aujourd’hui des logiciels le permettent. Je n’embellis pas ou n’assombris pas Budapest qui vit, se bat et résiste. J’essaie de la montrer telle qu’elle est à travers des regards, de la lumière, des couleurs. Budapest n’est pas seulement une destination touristique. Malgré cette « démocrature » imposée par le premier ministre Viktor Orbán qui muselle les médias, étouffe la justice et poursuit les minorités, Budapest ne se résigne pas. Je la sens résister. Et j’ai voulu montrer cette résistance à travers plusieurs photos de manifestations comme celle des étudiants en cinéma contre la reprise en mains de leur université la SZFE ou de la Gay Pride au moment où Orbán s’attaquait durement aux mouvements LGBTI. A l’étranger, on ne voit la Hongrie qu’à travers les postures extrémistes d’Orbán. J’ai voulu montrer l’envers du décor et j’espère bientôt pouvoir le montrer aux gens de Budapest.
« Szia Budapest », galerie Médicis, 5 rue de Médicis 75006 Paris. Du 23 février au 1er mars. Ouvert de 12h à 19h.