Budapest-Bamako, aux origines du rallye saharien

Dans moins de 10 jours s’élancera la cinquième édition du rallye Budapest-Bamako. Là où le Dakar ne va plus, le BB-Rallye s’impose désormais comme le plus grand rallye amateur du monde et le plus grand rallye transsaharien. Une vraie aventure, mais un pari risqué au vu de l’instabilité politique de certains pays traversés.

C’est samedi 16 janvier, à 8h du matin, que s’élanceront les participants de l’épreuve, sur la prestigieuse piste du Grand prix de F1 de Budapest, le Hungaroring. Plus de 200 équipages, issus d’une cinquantaine de pays différents, vont se confronter dans une course de 17 jours durant lesquels ils devront parcourir quelques 8500 km, à travers l’Europe (Brescia, Perpignan et Almeria) et surtout l’Afrique saharienne : le Maroc, la Mauritanie, et enfin le Mali et sa capitale Bamako, but ultime du voyage.

L’alternative au Dakar original

Pour le directeur de course András Polgár, « le but de Budapest-Bamako est de conserver l’esprit original de l’aventure africaine du rallye« .  Aussi, ce rallye est l’un des moins chers : pour environ 1200€, un équipage peut participer à l’événement.

Les nostalgiques du Dakar à l’ancienne ne sont certainement pas en Argentine en ce moment, mais plutôt sur le point de se rendre à Budapest. Sans hélicoptères pour ravitailler les concurrents, on comprend vite que le BB Rallye n’est pas la gigantesque caravane publicitaire qui attire les équipes professionnelles, mais bien des amateurs passionnés, une organisation et des sponsors motivés également par un programme humanitaire. Le Paris-Dakar ayant déserté le Sahara pour cause de menaces terroristes en 2008, Budapest-Bamako remplace officiellement l’esprit de la course originale sur ses terres.

Espérons cependant que cette épreuve ne soit pas entachée de tragédies comme celles que le Dakar a trop souvent provoqué depuis 1979 (53 victimes recensées par l’AFP, dont 9 spectateurs, 8 enfants et 23 concurrents). Samedi dernier en Argentine, une spectatrice a perdu la vie dès le 75e kilomètre de la première spéciale du Dakar 2010. Souhaitons au Budapest-Bamako 2010 de ne pas suivre ces traces, ni celles d’ailleurs d’autres incivilités qui peuvent s’avérer très grave à terme pour les populations locales. Ici, on peut, par exemple, admirer Stéphane Peterhansel lors du Dakar 2007 refroidir son embrayage dans un puits d’eau potable en plein désert.

Bonne nouvelle pour le rallye hongrois, la chaîne de télévision privée RTL KLUB suivra l’évolution de la course au quotidien alors qu’elle diffusait le Dakar depuis des années. Une décision justifiée par le fait que « le Budapest-Bamako a pris la place du Dakar dans le cœur des gens », selon le directeur des sports de la chaîne, Barna Heder.

L’ombre d’Al Qaïda Maghreb

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les organisateurs n’ont pas froid aux yeux. Les pilotes vont devoir emprunter un tracé à travers la Mauritanie et le Mali formellement déconseillé en raison des risques liés aux groupes terroristes et criminels présents dans la région. En effet, le Mali et la Mauritanie vivent depuis plusieurs mois au rythme d’actions de subversions revendiquées par Al Qaïda au Maghreb islamique. Ces dernières semaines, une série de kidnappings a particulièrement marqué le contexte sécuritaire des deux pays et il semble que les stratèges d’Al Qaïda soient en train de faire du Sahel une base arrière pour leurs opérations au Maghreb. L’organisation terroriste financerait sa lutte armée par ces rapts.

Voici un extrait des emails envoyés par l’organisation aux participants, à trois semaines seulement du départ : « Nous sommes en contact quotidien avec les départements de la sécurité de la Mauritanie et les gouvernements du Mali. Les autorités mauritaniennes ont confirmé que nous allons recevoir le plus haut niveau possible de protection militaire. En plus de gardes militaires armés, un avion de l’armée suivra le rallye. […] Même avec une protection optimale, les dangers sont réels. Nous demandons instamment à tous les participants d’évaluer soigneusement les risques associés à la situation actuelle ».

Les Miss VS le Honvéd

Du côté des curiosités de l’épreuve, nous garderons un œil sur une équipe assez improbable : « Miss Hungary Touareg Rally Team ». « Notre but est de gagner la course dans la compétition officielle et dans la catégorie charité », a déclaré sans plaisanter Zsuzsa Budai, qui n’a son permis de conduire depuis moins d’un an. « Notre but est aussi de démontrer que les femmes sont tout aussi capables de relever les défis virils que les hommes » a renchérit sa navigatrice, qui n’est autre que Miss Hongrie 2009, Orsolya Serdült, 22 ans, et qui, elle, n’a même pas encore son permis. Ce duo de charme embarquera à bord d’un 4×4 Volkswagen Touareg.

Elles auront pour redoutables concurrents la « Dream Team Cheetahs », constitué de Zoltán Bálint et Barnabás Honfi, deux sergents de l’armée hongroise. Selon le ministre hongrois de la défense, Imre Szekeres, le rallye constituera un bon entraînement pour ses recrues car « les conditions seront proches de celles de l’Irak et de l’Afghanistan, où les troupes hongroises sont engagées ».

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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