Orbán, un chef d’Etat visionnaire

Dès le début de l’année 2011, Viktor Orban n’a pas été très bien inspiré sur le plan de sa communication politique à l’international, c’est le moins que l’on puisse dire. Après son « bras d’honneur » fait au FMI, après la suppression d’une grande partie des pouvoirs de la Cour Constitutionnelle (institution garante du respect de l’Etat de droit en Hongrie), et après le ramdam de sa législation sur les médias hongrois, il est probablement le dernier chef d’Etat à s’être rendu en visite officielle en Egypte la semaine dernière, au moment même où la révolution tunisienne se propageait dans le monde arabe et particulièrement au Caire.

Comme en témoigne la photo où il semble très à l’aise, le premier ministre hongrois n’a manifestement pas senti le vent tourner contre le président Hosni Moubarak. A croire qu’il n’y connaît vraiment rien au monde arabe…

Des « oublis » diplomatiques dignes d’un débutant

Attaqué de toutes parts sur la nouvelle législation hongroise sur les médias le 19 janvier dernier au Parlement européen de Strasbourg, Viktor Orbán ratait déjà une belle occasion de se refaire une image en « oubliant » de féliciter le peuple tunisien pour avoir rétabli (provisoirement) la liberté d’expression en Tunisie. En faisant l’impasse sur ce point d’actualité internationale, il se rendait coupable d’un ethnocentrisme flagrant. Il manquait du même coup l’occasion de renvoyer certains eurodéputés français dans les cordes, concernant le soutien des autorités françaises au président Ben Ali jusqu’au dernier soupir de l’exercice de son pouvoir, et sa fuite vers l’Arabie Saoudite.

Le 17 janvier, comme cela s’est produit au centre de la Tunisie un mois plus tôt, un citoyen égyptien s’immolait par le feu, cette fois devant le bâtiment de l’Assemblée du Peuple au Caire. Le 24 janvier, Viktor Orbán se rendait en Egypte pour une visite de quatre jours et rencontrait Moubarak trois jours plus tard (photo), ne manquant pas d’insister sur les bonnes relations entre la Hongrie et l’Egypte qui perdurent depuis l’époque Kadar. Le 25 janvier, on assistait aux débuts des manifestations de masse, puis des premières émeutes au Caire.

De la révolte à la guerre civile, l’expérience politique de Moubarak dans toute sa splendeur

Depuis, nous entendons parler d’Egypte partout. La jeunesse égyptienne est entrée en révolte au Caire (la « marche du million ») contre le régime incarné par Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans dans son pays. Une révolte qui s’est aujourd’hui étendue bien au-delà de la capitale, notamment à Alexandrie et à Suez. Mais une autre partie de la population s’est récemment faite entendre, non sans violences, en descendant à son tour dans la rue pour soutenir le président et la stabilité du pays (certains observateurs prétendent que cette contre manifestation est orchestrée par le président lui-même). Résultat : un chaos sans nom, une opposition éclatée et un bain de sang qui promet de durer longtemps.  Quant à l’armée – épine dorsale du système égyptien – elle calme désormais le jeu dans un accord tacite avec le pouvoir politique, après avoir laissé s’exprimer les manifestants et les frères musulmans.

A noter : les islamistes sont maintenant idéalement placés en embuscade politiquement, en attendant les prochaines élections de septembre auxquelles Moubarak a déja officiellement renoncé. Mais dans son intervention télévisée d’avant-hier soir, le Raïs a réussi un coup vieux comme les pyramides d’Egypte : celui de diviser son opposition pour mieux régner, du moins jusqu’au bout et avec les honneurs.

Orbán : « Mon modèle, c’est Sarkozy » !

L’édition en ligne de la Libre Belgique titrait déjà comme tel le 20 janvier : « Mon modèle, c’est Sarkozy » reprenant ainsi les propos d’Orban lui-même. Le journal belge faisait référence à l’époque à son style « droit dans ses bottes » face à des parlementaires européens eux-mêmes très critiquables quant à leur prérogatives démocratiques, à l’image de leur institution fantoche.

Dans cet article, lalibre.be ne pensait pas à l’actualité du monde arabe, pourtant bien présente derrière cet épisode de la présidence hongroise de l’UE. Dès lundi  31 janvier, nos confrères anglophones de politics.hu rapportaient judicieusement que la veille, le gouvernement hongrois appelait à la restauration de l’ordre public sans conditions en Egypte, et ce, malgré le revirement inédit d’un allié de poids et de longue date de Moubarak : Washington. Cela n’est bien sûr pas sans rappeler le 11 janvier au palais Bourbon et l’incroyable déclaration du ministre des Affaires Etrangères français, Michèle Alliot-Marie, qui offrait le savoir-faire français en terme de maintien de l’ordre à la Tunisie de Ben Ali…

A savourer, ce zapping concocté par TV5 monde à l’aide de ses partenaires de l’information audiovisuelle : « Paris – Tunis, les liaisons dangereuses« 

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