Au Sajtóklub, la haine homophobe servie sur un plateau

L’émission hebdomadaire de Zsolt Bayer sur HírTV est le rendez-vous télévisuel de la frange extrémiste des électeurs du Fidesz en Hongrie.

Chaque dimanche soir, le talk-show Sajtóklub est la grand-messe de l’ultra conservatisme et du nationalisme sur la chaîne de droite HírTV, première chaîne d’info en continu en Hongrie, solidement acquise au Fidesz d’Orbán. Autour du journaliste polémiste Zsolt Bayer, encarté au Fidesz depuis les débuts, fait Chevalier de l’Ordre du mérite en 2016, la brochette habituelle de « grognards » de la droite hongroise :

Ottó Gajdics, 59 ans, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Szabad Föld, bardé de décorations dont la dernière en date remonte à 2019 (Prix de la presse József Eötvös) ; László Néző, fraîchement promu au poste clé de rédacteur-en-chef du Magyar Nemzet, le principal journal de la droite ; András Bencsik, 72 ans, journaliste passé par de nombreux médias y compris de gauche comme Népszava et Népszabadság, aujourd’hui rédacteur-en-chef de l’hebdomadaire Demokrata. Trois personnalités situées à l’extrême-droite du spectre politique, organisatrices des « marches de la liberté » pro-Fidesz (Békemenet) et trois Chevaliers de l’Ordre du mérite.

De gauche à droite : Zsolt Bayer, László Néző, Ottó Gajdics et András Bencsik.
« Les bubus doivent être exécutés »

Dimanche 26 mars, l’ambiance était comme à l’habitude, rigolarde et transgressive, moquant une cible récurrente, le maire de Budapest Gergely Karácsony, qui venait d’annoncer sa candidature aux municipales de 2024. Si vraiment les Budapestois veulent reconduire celui « qui a détruit Budapest », il serait temps pour eux de « « désaouler », lance anodinement András Bencsik.

Mais Bencsik veut parler d’autre chose, qui lui tient à cœur, l’homosexualité. « J’ai de bonnes nouvelles », commence-t-il. « Le parlement ougandais a adopté une loi anti-LGBTQ, qui fait que les bubus doivent être exécutés s’ils se marient ». Comme le note l’hebdomadaire libéral HVG, Bencsik se trompe en cela que le projet de loi ougandais prévoit la peine de mort pour les homosexuels coupables de violence, de pédophilie ou d’inceste. « Partout dans le monde, le nouveau canon, la nouvelle religion, c’est le culte de l’altérité, le LGBTQ. Les bubus sont les nouveaux saints. Mais les Ougandais ont dit : ‘On va leur couper la tête s’ils essaient de se marier à deux’. C’est un signal que non seulement l’Afrique ne participe pas à cette poubelle, mais qu’elle se retourne contre elle. L’Ouganda n’est qu’un pays, mais ils ont été les plus courageux, probablement que d’autres les suivront ».

La parole libérée

L’Autorité de régulation des médias (NMHH), aux mains du Fidesz, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur ces commentaires homophobes.

La parole raciste et homophobe s’est libérée en Hongrie, encouragée par le gouvernement de Viktor Orbán qui mène un Kulturkampf contre le libéralisme et le « politiquement correct ». Il y a quelques jours par exemple, une journaliste a déclaré sur la radio publique que si la banque californienne SVB a fait faillite, c’est parce qu’elle a embrassé « l’idéologie gauchiste radicale woke ». Aux postes de direction, on ne trouvait quasi aucuns experts, mais « des femmes, des Afro-américains, des soldats vétérans et des activistes homosexuels ».

Corentin Léotard

Rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale

Journaliste, correspondant basé à Budapest pour plusieurs journaux francophones (La Libre Belgique, Ouest France, Mediapart).

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